Révolutions techniques et mécaniques
Dès l’après-guerre, la « Révolution silencieuse » bouscule l’agriculture
En france et dans l'ain
Dans les années cinquante, l’agriculture française connaît une profonde révolution technique qui sera qualifiée de « silencieuse » car elle s’applique sans brutalité. Certes, le progrès est en route avant 1940 et le premier tracteur agricole introduit dans l’Ain par Édouard et Pierre de Monicault, grands propriétaires fonciers de Versailleux, l’a été en 1914. Mais, après la Seconde Guerre mondiale et la mise en oeuvre du plan Marshall, les tracteurs déferlent sur les campagnes françaises.
Ils remplacent les bras des commis et la force animale jusque-là mobilisés pour réaliser les lourds travaux agricoles restés manuels. À côté des Américains Pony de Massey-Harris et Farmall de Case IH, la France produit ses tracteurs. Le Vierzon de la Société Française, mais aussi le Micromax créé par Auguste Guillemaud, un forgeron de Verjon qui installa plus tard ses ateliers chemin de Montholon à Bourg-en-Bresse avant de les céder à Valor.

Le tracteur Micromax inventé par les frères Guillemaud, des forgerons de Verjon. Ici Auguste présente en 1949 son tracteur à la foire de Lyon.
Jean Merle avec son Micromax, ici à Montracol en juin 1961, revenu en permission d’Algérie pour faire les foins.
Élie Girard et son « Som 40 », selon lui « le premier tracteur moderne ».
Dans l’après-guerre tout change

Pierre Chazal (à gauche sur la photo) technicien de la Fédération des producteurs de lait du Bassin lyonnais a été le père de la « révolution fourragère » largement diffusée dans les Mont du Lyonnais mais aussi dans l’Ain.
Cette révolution mécanique s’accompagne d’une révolution technique. Le recours au drainage, bien que connu depuis l’Antiquité, se réalise désormais avec de puissantes draineuses-trancheuses. L’irrigation transforme la Plaine de l’Ain sans laquelle ce vaste espace serait resté couvert de maigres pelouses sèches et de landes buissonneuses. Les engrais sont largement utilisés et le concept jusque-là ignoré de la « culture de l’herbe » apparaît. C’est la révolution fourragère. On ne laisse plus pousser l’herbe : on la cultive ! Même René Dumont, le premier écologiste français, vient dès 1947 dans l’Ain accompagner des agriculteurs précurseurs à retourner leurs prairies permanentes pour « intensifier leurs productions » et permettre à la ferme modernisée dans ses pratiques « de passer de quatre à dix vaches et de 1 500 litres de lait par vache et par an à 3 500 litres !»
Porté par la Coopérative des Blés de l’Ain qui deviendra plus tard Cérégrain, le maïs, déjà présent en Bresse dès le XVIIe siècle, connaît un essor remarquable. En 1948, les premiers essais de variétés hybrides sont réalisés à Meillonnas. Philippe Geoffray, le président de la CUMA de Chaleins et de Cérégrain, est l’un des principaux artisans de son développement dans le département. Les rendements du maïs hybride s’élèvent à 40 quintaux à l’hectare, soit le double du maïs local !

Philippe Geoffray, président de la CUMA de Chaleins et de Cérégrain fut l’un des promoteurs de la culture du maïs hybride dans l’Ain.
La naissance de puissantes coopératives
Ces progrès techniques doivent être accompagnés par des organisations économiques capables de guider les agriculteurs dans le développement de leurs productions. Cérégrain assure cette mission pour les céréales.
Les nombreuses coopératives laitières du département encadrent avec efficacité les producteurs de lait. Il reste à structurer les productions animales, assurer leur développement et organiser leur mise en marché. Pour ce faire, Robert Jacoud, André Laurent, Henri Morandat, Jean Favrot… créent en août 1945 l’UDCA (Union Départementale des Coopératives Agricoles). Son développement est considérable et s’étend aux productions animales (porcs, volailles, bovins), mais aussi à la production d’aliment du bétail, au machinisme, à l’approvisionnement… C’est un
puissant groupe agro-industriel qui dépasse les frontières de l’Ain et rivalise avec les grandes coopératives de Bretagne. Mais voilà, les marchés évoluent et l’énorme UDCA ne parvient pas à changer de cap. C’est le naufrage et la fin en 1984 d’une belle aventure mutualiste avec, pour les agriculteurs de l’Ain, la perte d’un pouvoir économique passé dans d’autres mains…

Le siège historique de l’UDCA, chemin de Montholon à Bourg-en-Bresse, où était également situé le moulin ravagé par un incendie en juillet 1965.